Retailleau sur le grill
Quand la gauche radicale instrumentalise l’échec sécuritaire qu’elle a contribué à forger
Il y a des convocations qui relèvent d’un devoir démocratique. Et d’autres, d’une mise en scène politique dont le cynisme le dispute à l’indécence. L’audition, annoncée pour le 10 juin, de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, et de Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, devant la commission des lois de l’Assemblée, relève des deux à la fois. Car si les scènes de chaos ayant suivi la victoire du PSG en Ligue des champions appellent évidemment des comptes, la manière dont cette audition a été obtenue – à l’initiative de La France Insoumise – interroge profondément.
Doit-on rappeler les faits ? La soirée du 31 mai, censée être une fête populaire, a viré à l’émeute. Deux morts, plus de 200 blessés, 600 interpellations, des centaines de véhicules brûlés, les Champs-Élysées livrés à la violence d’une foule incontrôlée. Et ce, malgré un dispositif de sécurité considérable. Il y a là, à l’évidence, un raté. Retailleau l’a lui-même reconnu avec franchise. Il faudra en tirer des leçons.
Mais ce que prépare cette audition dépasse le simple souci de vérité ou d’efficacité. Ce qui se profile, c’est un procès politique, mené par ceux qui refusent de voir dans ces violences les symptômes d’un ensauvagement qu’ils ont toujours nié. Que LFI, parti qui s’est illustré par son hostilité permanente à la police, par sa complaisance avec les discours victimaire et communautariste, se pose aujourd’hui en garant de l’ordre public, voilà un retournement qui confine à la farce.
Il est aisé, depuis les bancs de l’Assemblée, de jouer les procureurs du chaos quand on a soi-même contribué à délégitimer l’autorité républicaine pendant des années. Où étaient les Insoumis quand, en 2023, des centaines de villes de France brûlaient sans que leur compassion aille aux victimes ? Où étaient-ils quand les forces de l’ordre étaient systématiquement accusées de “racisme systémique” ? Leur soudain souci de sécurité ne convainc guère. Il ne vise qu’un objectif : affaiblir politiquement un ministre de l’Intérieur qui, précisément, ose nommer le réel.
Bruno Retailleau n’est pas responsable du laxisme accumulé depuis vingt ans. Il n’est pas à l’origine de la lente décomposition de l’autorité, de la tolérance aux violences de rue, de l’abandon des territoires. Il hérite, à peine nommé, d’un appareil sécuritaire éprouvé, d’une doctrine du maintien de l’ordre marquée par la peur des émeutes, et d’un discours politique dominé par la crainte de “stigmatiser”. Et pourtant, dès les premières heures après les débordements, Retailleau a parlé net. Il a rappelé la nécessité de “frapper au portefeuille” les fauteurs de troubles, de restaurer une véritable tolérance zéro.