De la régulation à la censure : la liberté d’expression en question
Entre encadrement nécessaire et dérive autoritaire.
Caractéristique essentielle de la démocratie et droit fondamental des citoyens, la liberté d’expression est un bon indicateur de l’état général de la société.
Quand le débat public se voit entravé, si ce n’est totalement empêché, par la prolifération d’insultes, d’incitations à la haine voire d’appels au meurtre, il y a là évidemment le signe d’un climat social “explosif”, qui nécessite et justifie l’action des instances chargées d’encadrer la parole publique.
Or, si ce constat en dit long sur l’état actuel de notre société, encore faut-il souligner la différence abyssale qu’il y a entre la prérogative démocratique de poser un cadre et des limites à la libre confrontation des opinions, et la tentative d’interdire l’expression de certaines idées, certains faits, et même certaines vérités, au motif que celle-ci contribuerait à creuser le fossé de la division.
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Ces dernières semaines, les atteintes à la liberté d’expression se sont multipliées. Le journal en ligne France-Soir a perdu son agrément de presse, le rendant inéligible aux avantages accordés par l'État ; le magazine L’Incorrect a été exclu de sa banque en ligne Qonto ; les chaînes NRJ12 et C8 ont vu leurs fréquences TNT révoquées par décision de l’Arcom. De plus, sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnalités publiques et médias identifiés à droite ont été privés de leurs comptes par le groupe Meta.
Cette liste devrait suffire à illustrer les menaces pesant aujourd’hui sur la liberté d’expression. Pourtant, ce constat ne fait pas l’unanimité, et deux éléments semblent contribuer à semer la confusion dans les esprits.
Premièrement, les principes invoqués pour justifier certaines de ces décisions, à savoir la modération et le respect du pluralisme. Tels sont précisément les motifs déclarés par l’Arcom pour écarter NRJ12 et C8 de la TNT.
À cet égard, un collectif dénonçant la « censure numérique » dans une tribune publiée le 29 août dernier par Valeurs Actuelles a souligné avec inquiétude la coïncidence entre la suppression des comptes « de droite » sur les réseaux sociaux et l’entrée en vigueur du Digital Services Act (DSA), une législation européenne visant à encadrer les contenus en ligne et à lutter contre le terrorisme, la pédopornographie, le trafic d’enfants et l’incitation au meurtre.
« Si cette loi, censée protéger, est détournée pour étouffer des opinions légitimes, nous sommes alors confrontés à une dérive autoritaire », avertit ce texte signé par une cinquantaine de personnalités politiques et médiatiques, qui appellent à reprendre « le contrôle de notre liberté d’expression ».
Deuxièmement, le tour, en apparence paradoxal, que tend aujourd’hui à prendre le débat public en permettant l’expression toujours plus débridée de discours jugés encore il y a peu marginaux, violents ou encore déviants. Cet aspect nourrit dans l’opinion la représentation d’une liberté qui serait devenue la licence ; une liberté ne rencontrant plus aucun frein, tout pouvant être dit, tout pouvant être montré - les exhibitions médiatisées de Philippe Katerine en sont une parfaite illustration.
Censeurs masqués
S’il est nécessaire de s’interroger sur la méthode mise en œuvre et les critères mobilisés pour réguler l’expression des opinions, sans doute n’est-il pas non plus inutile d’examiner le modèle que vantent certains comme plus respectueux de la démocratie et auquel ces derniers entendent conformer la sphère médiatique.